Les éléments semblent nous retenir. Voilà maintenant sept jours que nous foulons de nouveau le pays d’Andersen et bien loin de nous ce climat estival, quasi méditerranéen, que nous avait offert la Suède.
Orages, vents violents incessants, pluie, températures printanières sont les présents que nous fait le Danemark une nouvelle fois. Comme si les âmes de ce pays voulaient tester notre résistance. Notre ténacité dans l’effort a encore été bien malmenée aujourd’hui. C’est une brume mystique qui nous a suivie toute la matinée, comme pour nous perdre dans ces campagnes où tous les hameaux se terminant en -strup deviennent vite semblables pour les non- initiés que nous sommes. Comme nous tenons bon et continuons notre route vers la « zone euro », le vent se met tout à coup à souffler. D’abord doux et chaud, il nous évoque Marco Polo et le désert de Gobi mais il augmente son intensité et les derniers kilomètres de la journée sont une véritable épreuve. Ne pas flancher, maintenir le cap, n’écouter que le désir de l’objectif à atteindre sans écouter la gorge qui s’assèche peu à peu, les cuisses qui s’endolorissent à chaque nouveau tour de pédalier, la nuque contractée sous l’effort. Puis nous atteignons la forêt qui bercera nos rêves. Quiconque n’a jamais dormi en pleine nature ne sait plus comme nos sens sont décuplés. C’est presque de façon solennelle que les garçons cessent leur chamailleries dans le vélo et se taisent.
Ce soir, avec l’accord du Valhalla, ce sera notre dernière nuit embrumée viking. Ce soir, c’est le corps malmené par cette journée que nous nous couchons sous une pluie d’été, fraîche et douce, qui semble nous dire au revoir et nous pleurer à la fois. Demain c’est un bateau qui nous mène vers d’autres mœurs, d’autres repères, un autre peuple. Ce soir c’est un peu de nous que nous laissons sur cette terre rude si proche et si lointaine à la fois.